I. Le revers de la médailleGaieté et espoir. Les éclats de rire de la petite Lívia rythmaient les journées des soldats de la caserne hispanique, éloignant la morosité ambiante. Entre deux missions, tous était heureux de la voir grandir et évoluer. Un jour elle se tenait droite comme un piquet sur ses deux petites cannes, l'autre ses gazouillis devenaient mots timidement prononcés. La mascotte grandissait bien mais ne se doutait pas de l'épreuve qu'elle allait endurer et pour cause, le combo n'était pas parfait. Elle était le fruit de l'union d'un officier et de sa subalterne. De l'amour pour elle, ils en débordaient mais ils chérissaient également leur patrie et avaient à cœur de la défendre.
Mission. Les forces ennemies gagnaient du terrain et pour les contrer, l'escadron mena une opération qui lui coûta la vie. Tous était morts en héros, repoussant les combattants adverses et les emmenant sur la barque de la faucheuse avec eux.
Orpheline.
On lui parlait de fierté ? D'honneur à la nation ? Elle s'en fichait, tout ce qu'elle comprenait c'était qu'elle avait des parents médaillés mais morts. Les honneurs ne remplaceraient jamais l'amour d'un parent. Lívia devint pupille de la nation et fut placée en orphelinat. Elle n'avait que trois ans.
II. Les souillonsBoum ! Les murs tremblèrent et une fine pellicule de poussière se logea dans la tignasse de Liv. Son pouls accéléra la cadence et l'adrénaline pris possession de ses muscles. Son corps su avant son cerveau ce qui se tramait. Elle devait fuir ou bien l'orphelinat deviendrait son cercueil. Parcourant les allées délabrées, elle cria à plein poumon afin de signaler sa position et retrouver ses amis. Le trio se reforma et s'extirpa in-extrémiste des fondations branlantes. Ce bombardement signait le début d'une vie d'errance pour la fillette de sept ans mais elle n'était pas seule dans cette galère.
Rowan et Jero, elle les avait rencontré là-bas et avaient tout trois très vite tissé des liens amicaux. Les amis subsistèrent tant bien que mal en alternant entre des phases de manches et de larcins, jeûnant à tour de rôle pour que les autres puissent manger le peu qu'ils avaient récoltés. Les nuits étaient froides et les ruelles dangereuses mais rien ne les effrayaient du moment qu'ils étaient ensemble.
Gamin, rien ne semble insurmontable pas même une petite toux. Sauf que la toux de Jero ne passa pas et empira au fils des jours pour finir par le plonger dans une transe fiévreuse. La gamine qu'elle était hurlait, entre deux sanglots, aux passants de l'aider, secouant le corps sans vie de son ami mais c'était la fin. Le malheureux avait succombé à une pneumonie foudroyante. Rowan dû la tirer de force pour l'arracher du spectacle funeste qui se déroulait sous ses yeux.
III. SaltimbanquesLe teint livide et le regard brumeux, l'état des deux gosses attira l'attention d'une troupe d'itinérants. Débordant d'altruisme pour leur prochain et le cœur sur la main, ils décidèrent d'intégrer les deux enfants à leur groupe. Une fois remis sur pieds, la troupe passa un accord avec Lívia et Rowan. Le deal était simple, ils leur permettaient de continuer à vivre à leur côté, ils seraient nourri et blanchi mais en contre-parti, ils devaient participer aux spectacles.
Contrat accepté. S'ensuivit alors un entraînement drastique où les étirements forcés assouplirent les articulations récalcitrantes de la jeune fille. Elle devait se mouvoir gracieusement, elle, le garçon manqué et pousser la chansonnette face à des badauds en quête de divertissement. La troupe sillonna les pays d'Europe, offrant distraction au monde meurtri par tant d'année de bataille. Les années s'écoulèrent rapidement et l'âge de la puberté pointa le bout de son nez. La fillette devint jeune femme. Le show qu'ils montèrent en duo avec Rowan déclencha en elle une effusion d'hormones, leur corps entrelacés ainsi que cette proximité lui confirmèrent ce qu'elle savait déjà. Elle ne l'avait jamais considéré comme un frère, il était un homme, séduisant et loyal. Toujours à
ses côtés. Les échanges de regard plus que complice, les sourires niais, le palpitant qui s’accélérait à chaque contact sonnaient le glas de l'amour. Les prémisses d'un flirt si vite avorté par un désaccord qui se profilait au loin.
IV. RuptureElle aurait aimé vivre ainsi pour toujours, entourée de sa troupe et de Rowan. Mais lui n'aimait pas la routine et rêvait d'ailleurs. Il était comme l'air, insaisissable.
Eden. Pour Lívia, il s'agissait d'un mythe. Chaque jour ils entendaient différents sons de cloche à son sujet, beaucoup parlait sur cette ville mais personne n'en savait rien au finale. Même son nom sonnait comme une grosse blague mais l'idée avait germée dans l'esprit du jeune orphelin et arborée déjà de solides racines. Lívia tenta de raisonner son ami, lui intimant qu'il s'agissait sans doute d'une communauté sectaire et que le parcours jusqu'à elle relevait du suicide.
Égoïste. Lui avait-elle lancé au visage sous le coup de la colère tandis qu'il contrait ses arguments. Il ne pensait qu'à lui, elle, ne voulait et ne pouvait pas quitter les gens qui les avaient pris sous leurs ailes. Lui ça lui était égale alors après une dernière proposition, qu'elle refusa, il faussa compagnie au groupe.
La séparation fût difficile. N'y croyant pas, elle fixait souvent l'horizon en espérant voir la silhouette de Rowan s'y dessiner mais après quelques semaines, elle dût se faire une raison et continuer à avancer. Le manque laissa place à l'oubli, son cœur n'était plus aussi douloureux et une année passa. La troupe fusionna avec une autre des pays de l'Est et le vent changea d'une façon qui déplût à Liv. On lui en demandait toujours plus, ses numéros n'ameutaient pas assez de spectateurs. Les badauds ne voulaient pas payer pour la voir danser et chanter mais plutôt pour l'avoir dans leur lit. La morale ébréchée par le vice et l’appât de l'argent, le second de la troupe de l'Est voulu la vendre aux hommes demandeurs.
Fuite.
V. Cap vers l'ouestDéception. La rage la consumait de l'intérieur. Personne ne l'avait prise au sérieux lorsqu'elle avait demandé de l'aide alors qu'elle n'avait jamais été du genre à crier aux loups. La fusion était trop bénéfique pour ce qu'elle considérait comme sa famille de cœur. Mais Rowan avait raison, il avait toujours raison. Ils n'étaient pas du même sang et n'avaient jamais été vraiment des leurs. Rowan... le manque lui revint au visage telle une violente claque. Pourquoi ne l'avait-elle pas suivi lorsqu'il lui avait demandé ?
Bêtise. Pour avoir la foi de survivre, il lui fallait un objectif et c'est tout naturellement qu'elle prit la décision de se rendre en terre promise qui obsédait tant le jeune homme. Lívia glana des informations qu'elle regroupa, tenta même sa chance à la loterie mais sans vraiment y croire. L'endroit restait une légende selon elle mais elle finit par obtenir ses coordonnées géographiques.
La route était périlleuse, longue et comme ça ne suffisait pas, des créatures émergèrent de nulle part. Sa première rencontre avec l'une d'elle aurait pu être sa dernière si un vagabond solitaire ne l'avait pas aidé. Blessée et dénutrie, elle ralentit l'allure et perfectionna son instinct de survie. Alors qu'elle n'y croyait plus, les murs impénétrables d'Eden s'édifièrent devant elle.
Merde alors ! Le mythe était bel et bien réalité. Les nombreux gardes nichés de part et d'autre des remparts la dissuadèrent de poser un pied dans son enceinte. Rongée par la curiosité, elle zone autour en cherchant un moyen d'y entrer sans être certaine de le vouloir vraiment, au fond.
To be continued....