Des lianes pour resserrer les liens ღ Karlan

@Karl V. Nightray & @Ran J. Hwang

Descendant de son destrier, Ran s’étira de tout son long avant de se masser énergiquement les fesses. Quel supplice ce trajet ! C'était dans des moments comme ceux là qu'elle regrettait vraiment les véhicules à moteur, nettement plus confortables et rapides que ces canassons puants. Cependant, elle se garda de râler ouvertement puisqu'elle s'était porté volontaire pour prendre part à cette expédition. Visiblement, elle avait pris goût à l'extérieur tel un chat d'appartement découvrant les plaisirs de la liberté en plein air. Guidée par l'adrénaline et sa témérité exacerbée, elle n'avait pas hésité une seule seconde d'autant plus qu'elle en était la principale instigatrice. Elle avait besoin d'une plante bien particulière pour ses recherches et un lieu des terres tropicales en regorgeait. Il y avait bien une autre raison mais elle la gardait bien pour elle. C'est accompagnée d'un collègue et d'un groupe d'explorateur qu'elle arriva aux abords de la forêt.

Cette fois-ci, Ran avait pris ses dispositions en troquant son tailleur et ses escarpins par une tenue confortable. Elle allait être amenée à crapahuter pendant des heures dans des racines sinueuses, il était donc préférable pour ses chevilles qu'elle oublie la mode pour quelques jours. Ça lui coûtait d'être affublée comme une vagabonde mais c'était un sacrifice nécessaire. La dernière fois qu'elle était sortie en terre hostile, ses bijoux un peu trop bling-bling avaient attirés l’œil de pillards donc une fois, pas deux. L'asiatique soupira puis glissa le châle, qui l'avait protégée des tempêtes de sable des terres arides, sur ses épaules, dévoilant une tignasse attachée en un négligeant chignon. L'escadron de militaire se déplia afin de sécuriser les lieux.

Le feu vert donné, la scientifique se faufila dans l'étouffante masse verte. Plus elle s'y enfonça et plus sa respiration devint suppliante. La teneur en humidité combiné à la chaleur offraient une atmosphère pesante ce qui expliquait pourquoi ses poumons criaient à l'aide. Son endurance lui faisait clairement défaut mais elle était motivée. Elle se traînait jusqu'à ce qu'un insecte géant non identifié vint lui voler dans les cheveux. Elle laissa échapper un cri strident et courra un petit marathon. À distance de la bestiole, elle ralentit l'allure pour reprendre son souffle. La jeune femme essuya ses tempes à l'aide de son châle avant d'arracher une feuille de taille moyenne et de s'en servir d'éventail. « Aigoo, un vrai hammam. » se plaignit-elle tout en se demandant si elle ne devait pas retirer une couche de vêtement. Mais son regard fut attiré par de longues plantes pendantes, la faisant oublier son délire naturiste. La scientifique s'approcha et saisit l'une des lianes. « Bingo ! » dit-elle dans un sourire triomphant avant de sortir un petit canif de sa poche. Les lianes renfermaient un nectar intéressant : le curare, poison entraînant paralysie. La lame entamait son incision dans le végétal quand le craquement d'un plancher en bois lui parvint. Instinctivement, elle en chercha la provenance. Levant les yeux au ciel, elle utilisa sa feuille comme pare-soleil pour filtrer les quelques rayons qui filtraient. Ses pupilles captèrent une silhouette et son esprit lui souffla qu'il ne pouvait s'agir que de son collègue puisque le périmètre était censé être safe. «  Darren ? C'est toi ou un de ces stupides macaques ? »

Karl V. Nightray & @Ran J. Hwang

Je savoure un instant la caresse réconfortante des rayons du soleil filtrés par la végétation dense. Le nez en l’air, les yeux fermés j’analyse. La qualité de l’air, la chaleur sur ma peau, l’humidité et le moindre avertissement sonore d’un quelconque danger. Tout autour de moi, le monde continue à tourner. Les insectes font leur office, les plantes ne cessent de croître, le paysage est chaque jour différent. On pourrait presque penser que cet endroit a été épargné ou même que l’apocalypse n’a jamais eu lieu. Le renouveau suit son chemin comme si rien n’était parmi les traces sanguinolentes qui jonchent le sol parfois. J’aime ce lieu où la nature reprend son droit sans la moindre contestation. Je ne perds pas mon énergie à lutter contre elle, mais suis docilement les chemins sinueux qui l’enlace.

Un jour une personne m’a donné une leçon. La seule leçon de survie qui me manquait cruellement. La science de la botanique. Depuis j’ai fait mes propres expériences bonnes ou mauvaises d’ailleurs. Je suis navré de constater que je suis toujours en manque de composant, à moins que ce soit mon obsession d’accumulateur qui parle. Cependant ce que je viens chercher aujourd’hui n’est pas le genre de ressource stockable. Une fois séchée, cette fleur perd toutes ses propriétés. Je dois la stabiliser immédiatement après ramassage. Ainsi je pars à sa recherche et attrape malgré moi seulement ce dont j’ai besoin dans la flore locale sans m’écarter des sentiers noueux. J’évolue lentement laissant à mon corps le temps de s’accoutumer à l’atmosphère lourde afin de ne pas perdre trop d’énergie à la manœuvre.

Cela ne m’empêche pas d’attraper une suée lorsqu’un cri strident me parvient. Stoppé en plein mouvement, immobile, je retiens mon souffle. Je ne sais pas si je suis rassuré par le fait que ce son provient sans aucun doute d’une personne vivante. Enfin pour le moment. Ne perdant pas de temps, j’entame mon ascension vers une cabane perchée à ma droite. Cette partie est d’habitude déserte dû au fort taux d’humidité et à la présence de moustiques acharnés. Je compte sur ce fait lorsque j’émerge à hauteur de plancher. Les vagabonds du village verraient d’un mauvais œil le fait que je m’approvisionne plutôt que de commercer avec eux. Non hostiles, je les évite tout de même avec minutie préférant ne pas avoir à rendre de compte. A l’abri de la cime des arbres, j’observe.  
Le protagoniste se dirige directement vers ma position. C’est bien ma veine. Avec ce genre de vocalise elle a dû rameuter les quelques Konts des environs. Curieux, je me rapproche de cette personne qui maintenant à portée de vue me rappelle quelqu’un. Absorbé par ma réflexion, je pose le pied sur une planche pourrie, qui elle aussi pousse une lamentation lancinante.

«  Darren ? C'est toi ou un de ces stupides macaques ? »

Cette voix, ce minois, mon sang ne fait qu’un tour. Sa présence ici n’augure rien de bon. Je suis partagé entre manifester ma présence ou fuir le plus loin possible d’elle. La dernière fois elle m’avait laissé partir quand est-il aujourd’hui. Si elle est ici à crapahuter au milieu des lianes c’est qu’un bataillon d’hommes armés jusqu’aux dents œuvre en silence.

«Professeur Ran, que faites-vous ici ?»

Contre toute prudence, ma curiosité l’emporte. En lui adressant la parole, je lui dévoile ma position. Du regard, je la juge froidement. Je ne sais pas trop à quoi m’attendre avec elle. Sa tenue est plus adéquate à son environnement que la dernière fois, elle lui permettra de me rejoindre sans trop d’accrocs. Rapidement, je descends de mon perchoir avec agilité et lui tend la main afin de l’inviter à l’ascension. Si nous voulons discuter, ce sera en toute sécurité loin des militaires et des morts-vivants. Je ne tiens pas à être surpris une nouvelle fois. Je plonge mes yeux dans les siens attendant qu’elle accepte mon invitation.

@Karl V. Nightray & @Ran J. Hwang

Ce timbre de voix, doux son mélodieux qu’elle pouvait reconnaître entre mille. Elle en avait rêvé un bon million de fois depuis leur dernière rencontre et ne pensait pas qu’elle aurait l’occasion de revoir cet homme au beau milieu des terres tropicales. Son palpitant doubla son allure sous l’effet de l’excitation. Ran attrapa sa feuille et l’ajusta en mode visière jusqu’à pouvoir poser ses yeux sur la silhouette de Karl sans être totalement ébloui. « Vous m’éblouissez, Karl » éluda-t-elle avec un sourire aux lèvres parce qu’une fois de plus, tous ses faits et gestes dans le cadre de son boulot devaient rester confidentiels même s’il s’agissait seulement de se procurer de quoi confectionner un redoutable poison anesthésiant. Lorsqu’il bougea de nouveau, elle le regarda avec intérêt. Il avait une certaine aisance dans ses mouvements, si bien qu’il devait être un habitué des lieux. « C’était donc là que vous vous cachiez » déclara-t-elle lorsqu’ils se retrouvèrent au même niveau. Il était vrai qu’elle l’avait recherché et fait recherché mais difficile d’attraper un électron libre dont le nom restait inconnu.

Karl l’invita à grimper en hauteur en lui offrant sa main, il devait sans doute se sentir plus en sécurité ainsi perché dans les arbres. La tentation de la lui saisir était grande mais celle de lui montrer qu’elle n’était pas qu’une frêle idiote privilégiée du noyau était plus grande. Voulant briller devant lui et prouver qu’elle pouvait s’adapter à tout environnement, elle bazarda sa feuille et retroussa ses manches. Elle saisit la liane entre ses mains et grimpa avec autant d’agilité qu’un ouistiti, devançant l’homme de quelques secondes. L’asiatique se redressa et frotta ses mains sur ses vêtements, une moue légèrement boudeuse sur le visage. Elle n’était pas vraiment mise en valeur dans cet accoutrement et elle craignait de perdre des points auprès de Karl. Bref, elle chassa ces pensées de son esprit et inspecta vaguement l’abri en bois avant de se rendre compte de la hauteur. Son teint vira instantanément et ses jambes se dérobèrent sous elle. Elle se rattrapa au vagabond, glissa contre lui pour se retrouver au niveau du plancher et s’accrocha à l’une de ses jambes fermement.

Le vertige, Ran y était sujette depuis toute petite. Dans cet élan de vouloir faire bonne impression, son cerveau avait omit cette information et le voilà qui en prenait conscience maintenant. En position de faiblesse, son instinct cria l'alerte et lui envoya des ondes paranoïaques. Peut-être n'était il pas seul, l'avait-il éloigné des militaires pour lui faire je ne sais quoi. « Vous savez que je ne suis pas seule » Toujours le même discours, la même menace, une sorte de déjà vu mais elle n'avait rien trouvé de mieux à sortir. Elle resserra son étreinte autour du membre inférieur de Karl, se transformant en garrot humain. « Je ne vous laisserai pas partir cette fois ci »

Karl V. Nightray & @Ran J. Hwang

Ses paroles sont du miel et ainsi elle minaude à mon approche. Je l'avoue ce n'est pas pour me déplaire même si je sais que quiconque manie le miel s'en lèche les doigts. Je n'oublie pas que derrière ses airs d'innocente se cache un bourreau. J'en ai eu un léger aperçu à notre dernière rencontre. Cependant je joue le jeu en lui souriant doucement. Je ne sais pas ce qui se trame à Eden, à vrai dire je préfère rester ignorant.

Me cacher? pas vraiment. Il faut errer ici et là pour survivre à ce monde de fou. Rester au même endroit trop longtemps c'est signer son arrêt de mort.

" Disons que c'est une de mes cachettes favorites. L'endroit est assez hostile on y croise seulement des personnes qui ont à faire. Et je n'ai pas encore vu de spécimens avides de chair monter aux arbres. "

Je remercie d'ailleurs le ciel qu'il n'y ait pas eu de mutation qui les amène dans cette voie pour le moment. Je n'ose imaginer le résultat. Je note également que contrairement à une évolution, il n'y a eu aucune dégradation. Cela aurait été trop beau qu'ils putréfient jusqu'au stade chair et os. Peut-être qu'un jour cela arrivera. Lentement, trop lentement et ainsi une fois l'humanité disparue ils s'évanouiront à leur tour. Mais j'en doute.

Le spectacle que Ran m'offre à cet instant me sort de mes pensées. Nonobstant je la vois monter à la corde comme le chef des pompiers. Abasourdit, je la suis dans sa performance sans réussir à la rattraper. Arrivé en haut, je la regarde avec des yeux ronds.

" Décidemment vous êtes pleine de surprise. "

C'est alors que livide, je la vois tomber littéralement à mes pieds. Sous le choc, je ne réagis pas tout de suite à cette crise de panique qui la gagne. Elle s'accroche à moi comme à la liane quelques minutes plus tôt.
« Je ne vous laisserai pas partir cette fois ci ». Une menace vraiment alors qu'elle s'attachait à lui comme à sa vie.

" Qui vous dit que j'ai envie de partir ? "

Doucement je m'agenouille sans mouvement brusque, sans essayer de la dégrafer de ma jambes. Au contraire, je lui laisse une prise bien plus intéressante en lui proposant mon buste. Gentiment, je passe mes bras autour d'elle comme pour la protéger d'une menace invisible. Alors je cède et ferme les yeux le menton dans ses cheveux soyeux aux flagrances fleuries. M'évadant dans mes souvenirs, souvenirs flous et vaporeux d'une ancienne vie confortable et paisible.