L'art de l'accumulation

Karl V. Nightray & @LÍVIA ALCANTARA

Les êtres vivants sont de bien pire monstre que la monstruosité elle-même. J’ai pris les jambes à mon cou bien avant que les choses dégénèrent. Après avoir soigneusement rangé mon ticket de loterie loin des regards, j’ai bien senti la pression monter. La chaleur étouffante de la foule, l’odeur piquante de l’adrénaline et de la sueur, le brouhaha constant, tout était réuni pour créer un cocktail explosif. Au loin, j’entends un coup de feu. C’est arrivé bien plus vite que ce que je pensais. Malgré cela, je suis plutôt serein, je serai déjà loin lorsque la résonnance des armes ameutera les Kont.

Seconde détonation, comment peut-on être aussi négligeant ? Ils ont prévu un feu d’artifice aussi ? Je presse le pas afin de quitter les alentours le plus rapidement possible. J’entre dans un bidonville déserté de sa population. Navré, j’ai du mal à déglutir. Tous ses pauvres gens agglutinés dans l’espoir de se frayer un chemin un jour dans la cité imprenable. Les habitations sont sommaires, bien plus qu’en terre hostile d’ailleurs. Ici, on se rend compte que les attaques sont fréquentes. Les défenses sont quasi-inexistantes puisque traversées à chaque assaut de zombis. Ce paysage dévasté me donne la nausée. Eden, sublime au milieu d’une mare de boue piétinée.

Je croise le regard d’une pauvre âme qui rassemble ses affaires. Oui il va y avoir du grabuge dans peu de temps. Ses personnes payent pour la suprématie d’Eden cependant il s’accroche à ses murs comme l’eau glisse le long du rocher. L’espoir donne parfois aux Hommes une raison de vivre, même si pour cela ils peuvent la perdre.

Mal à l’aise, je me concentre sur mes pas dérangeant la poussière. Moi qui suis un accumulateur compulsif, je ne supporte plus la vision d’entassement qui se déroule devant mes yeux. Les maigres biens et possessions des habitants réunis dans un fabuleux désordre.

Je parviens à me contenir, jusqu’à ce que quelque chose ou quelqu’un me heurte. Renfrogné, je lève mon visage pour apercevoir une femme fuir au petit galop. Réflexion faite, les choses ont l’air de se gâter à la foire d’Eden je ferai mieux de suivre son exemple. L’instinct de survie me pousse à tendre l’oreille et accélérer l’allure. Quand vient à moi un morceau de papier virevoltant de la poche de la fuyarde, je cours pour la rattraper. Persuadé sans savoir pourquoi que cela pourrait être très important pour elle, je m’arrête à
sa hauteur après l’avoir interpelée.

« Tu as perdu quelque chose en chemin. »

Soudain penaud, je me dis qu’elle pourrait penser que je la suivais alors que ce n’est pas le cas. Je secoue la tête pour évacuer cette pensée. De toute façon qu’est ce que j’en ai à faire, je ne la reverrai sans doute jamais cette fille. Je lui tends le morceau de papier plié sans y jeter le moindre regard essayant de paraitre courtois.

Karl V. Nightray & @LÍVIA ALCANTARA

La jeune femme s’arrête et me regarde interrogatrice. Apparemment ce bout de papier ne lui appartient pas. J’aurai juré l’avoir vu s’envoler de sa silhouette. Mais le regard bas, il est possible que je me sois tout simplement trompé.

 « Mince je suis désolé, je ne voulais vous déranger inutilement. »

Alors soit je passe pour le crétin de service, soit pour un pervers qui tente sa chance dans le chaos. Je me sens bête de l’avoir apostrophé comme cela. J’enfouis au fond de moi ce sentiment. Si je m’écoutais, j’éviterais de faire un pas vers les autres. Je fais une entorse à la règle et voila ce qui se passe.

Dans l’embarras, je passe une main dans mes cheveux ne sachant où me mettre. Je n’ai pas raté son accent ibérique. Pourtant, je n’ai rien compris au reste de sa phrase mais je comprends dans son regard franc et droit qu’elle n’a pas eu de chance ses derniers temps. Elle a dû faire beaucoup de chemin pour se retrouver aux portes d’Eden. Sans pouvoir y rentrer j’en déduis vu qu’elle en est au même point que moi : trouver un abri avant que les choses se gâtent.

J’ai suffisamment d’expérience pour savoir que dans une heure ou deux se sera l’apocalypse ici. A moins que la force armée d’Eden décide de porter main forte aux vagabonds venus tenter leur chance. En entendant les coups de feu, j’ai maigre espoir. Je décide donc de reprendre mon chemin en quête d’un refuge.

Je ne fais pas deux pas avant que la brune m’interpelle à son tour. Surpris, je me retourne et l’observe dévoiler sa faiblesse. Elle a de la chance d’être tombé sur moi. D’autres en aurait profiter pour la dépouiller de ses biens. Biens inexistants j’ai l’impression.  
Rapidement je récupère la distance qui nous sépare. Je jette un œil à son épaule à découvert et me mord la lèvre.

 « Un accident ? ou c’est quelqu’un qui t’a fait cela ? »

La tête de l’articulation sort douloureusement de sa loge. Elle doit avoir un mal de chien. Je suis surpris qu’elle ait réussi à me parler avec autant de détachement. J’étais loin d’imaginer sa blessure. Rassurant je l’accompagne derrière un petit bâtiment et l’invite à s’assoir.

 « On va s’occuper de cela ne t’inquiète pas. »

Je ne pense pas être un grand médecin ou quelque chose du genre mais instinctivement un protocole se met en place dans mon cerveau. Sans savoir vraiment ce que je fais, j’attrape son bras délicatement avant de le claquer dans son axe pour réintégrer la tête de l’épaule dans son articulation. J’ai agi aisément, sans heurte et avec précision ce qui me surprend moi-même. Ai-je déjà fait cela par le passé ? Trou noir bien évidemment.

Je n’ai pas d’anti-douleur à lui offrir mais peut-être pouvons nous trouver quelque chose par ici qui permettrait de lui faire une écharpe afin de maintenir son bras endoloris.

Karl V. Nightray & @LÍVIA ALCANTARA

Mon butin est maigre et je grimace en fourrant mes trouvailles dans mon sac. Pour l’épaule, il faudra faire sans soutien.

« Lorsque l’on joue, on acquière une chance de gagner. Lorsque l’on ne joue pas aucune. »

Alors que je ferme les glissières de mon sac, un contact me glace le sang. Je mets un peu de temps à réaliser ce qui se passe. Tétanisé, je respire difficilement attendant que l’étreinte se termine. Je ne saurai dire depuis combien de temps je n’avais pas subi de contact humain. Bien trop longtemps en témoigne le malaise qui me gagne. Je ne sais comment réagir à cette marque d’affection spontanée.

Je ne peux t'offrir que ça en guise de remerciement, accepte s'il te plait

C’est en sachant qu’elle n’avait rien à m’offrir que je lui ai apporté mon aide. Sans aucun arrière pensé ni vice. Là encore, je n’ose répliquer. Comprenant qu’elle en avait plus besoin que moi, je lui laisse cette faveur. Un peu perplexe, je finis par me retourner afin de lui faire face. Sa détresse a l’air de s’envoler petit à petit. Ses yeux retrouvent un peu d’éclats. Rapidement, elle ferme les yeux et rompt ce moment un peu gênant. Je la vois mimer mes gestes en cherchant dans les caisses et les sacs. Cependant, il n’y a plus rien à trouver ici quelqu’un à surement eu la même idée que nous.

« Ses caisses ont déjà été pillées. Nous ferions mieux de sortir du périmètre avant que les rampants ne débarquent. Je vais t’aider à sortir d’ici et à t’approvisionner un peu. Après cela nos chemins se sépareront. »

Je ne veux pas lui laisser de faux espoir. Il est bien trop difficile de s’occuper de soi alors s’occuper de deux… L’attachement, la compatie et tout se qui en résulte amène à faire des erreurs. Des erreurs à l’issue fatale. J’ai dans mes bagages de quoi nous ravitailler pour quelques jours cela est suffisant pour qu’elle se remette de ses blessures et regagne son autonomie. Je n’ose lui dire que chasser dans le désert de Sinesknir est chose quasiment impossible et qu’il serait prudent de rejoindre la forêt plutôt que les plaines. Alors je prends la tête de notre duo afin d’observer les éventuels dangers. Nous marchons d’un bon rythme seulement, j’entends derrière nous des pas rapide acteurs d’une course effrénée. Je fronce les sourcils, ça a commencé à vraiment dégénérer aux portes d’Eden. Nous n'avons plus le temps de fouiller les environs.

Je ralentis le pas pour rester aux cotés de la jeune femme. Blessée, elle pourrait être une cible facile pour les fuyards. Quand au loin j'aperçois une ligne foncé qui rase l'horizon. Espérant que se soit un mirage, je plisse les yeux. Il va peut-être falloir revoir mes plans.

Dés: Horde de Kontvykh à la lisière de la forêt : Oui ou Non

Karl V. Nightray & @LÍVIA ALCANTARA

C'était bien ma veine, certes ce n'était pas des morts vivants mais au final je crois que j'aurai préféré cette rencontre.

Je m'arrête d'un coup, retenant l'hispanique par son bras valide afin qu'elle en fasse de même. J'analyse la situation et toutes ses éventualités. Les contourner était l'une d'entre elle. Cependant il était hors de question de faire demi-tour. Se retrouver entre deux feu non merci on a bien assez à faire ici avec la faune locale.

Rapidement je prends une décision pour le groupe en suivant une partie du plan de mon binôme. Nous nous situons dans un chassé croisé entre les remparts d'Eden, les Konts et les serpents les plus dangereux du désert.
Je me dirige alors vers l'une des dernières habitations de fortune du bidonville.
Bien décidé à échapper à la mort, je me hisse sur les bric à brac qui juxtaposent le bâtiment afin de jeter un oeil au toit. Cela fera l'affaire. Je saute rejoindre la blessée en bas bien décidé à lui faire gravir cette montagne. Je ne laisserai personne derrière moi aujourd'hui.

" Nous pouvons nous cacher là-haut sur le toit plat une toile tendue nous abritera. Je possède un peu de Vipeciane on peut tenter notre chance et reprendre la route lorsqu'elles seront passées. "

Je la vois lever les yeux vers l'office. Ce n'est pas si haut mais je conçois qu'avec une épaule en vrac la manoeuvre parait surréaliste. Mais je ne laisse pas le doute planer et l'encourage.

" On va y arriver. "    

Je ne suis pas dans une forme olympique mais voyant son gabarit je suis largement capable de la hisser moi même sur notre perchoir s'il le faut. Au loin, j'entends que l'étau se resserre puisque des cris de panique fusent dans tous les sens. Les malheureux n'ont pas encore conscience du second danger qui les guettent. Surement dérangées par le brouhaha les vipères se mouvent avec agilité sur la dune. Quelle étrange vision. Mortelle et Magnifique à la fois.