Remise de ses émotions, Ran avait pour objectif de se plaindre de l'incompétence de l'escadron qui l'avait accompagnée à la fosse. Elle n'était pas du genre à laisser couler même si tout s'était bien terminé au final. Sa main bandée témoignait encore de ce qu'elle avait enduré, chose qui ne serait jamais arrivé si les militaires lui avaient collé aux basques comme prévu au préalable. Donc ils devaient payer pour leur manque de professionnalisme. Elle attrapa sa veste, noua ses cheveux en un chignon haut et quitta ses appartements.
Le noyau d’Éden semblait plus respirable que ses alentours et pour cause, il y avait moins de population arpentant ses rues. Quittant le calme de ce dernier, elle entra dans l'effervescence qu'offrait l'entre-deux remparts. Pourquoi était-elle sorti par la porte nord alors qu'elle souhaitait se rendre au sud ? Elle ne saurait le dire mais les nombreux coups d'épaule lui firent regretter cette bêtise. Décidément, les pauvres étaient vraiment des êtres incivilités. Elle soupira bruyamment avant de se prendre un fuyard en pleine poire. La scientifique tomba sur les fesses en pestant, l'homme qui venait de la bousculer avait déjà repris ses jambes à son cou. « Aishhh » Il devait s'agir d'un sans-ticket, sans grande surprise. Décidément, même la branche des gardiens laissait à désirer. Fulminant, elle se releva péniblement et épousseta ses vêtements. Elle allait reprendre sa route lorsqu'un homme en héla deux autres. Instinctivement son regard chercha le propriétaire de la voix.
Au vu de ses vêtements et de la réaction des deux gardiens interpellés, l'homme appartenait à l'armée et devait sans doute être plus gradé qu'eux. C'était bien sa veine, elle n'aurait pas besoin d'aller jusqu'à la base pour pousser sa gueulante. Ran s'approcha du trio en laissant traîner une oreille attentive et curieuse. En l'entendant houspiller, elle croisa lentement les bras et afficha un sourire narquois à ses lèvres. Enfin quelqu'un qui reconnaissait qu'il y avait un sérieux problème dans la sécurité de la ville. Une fois ses doléances terminées, Ran entrechoqua ses mains, applaudissant l'homme. « Vraiment n'importe qui... » insista-t-elle, reprenant ses propos. « Je suis entièrement d'accord, enfin quelqu'un de lucide dans ce système. Écoutez ce monsieur, on vous paît suffisamment alors faites le travail correctement. » puis elle grimaça et se corrigea « Pour les sans-tickets ou autre vagabond grouillants dans les voies souterraines j'entends. Les fugitifs qui fuient la ville devraient pourrir à l'extérieur ces sales ingr... » Sentant qu'elle s'emballait sur un autre sujet, elle stoppa sa tirade et émit un petit son dédaigneux. Ses lèvres s’étirèrent. « Mais ce n'est pas le sujet ici. Je vous ai un peu écouté tout à l'heure et j'ai cru comprendre que vous faisiez parti de la branche des exterminateurs. Ai-je raison ? » demanda-t-elle en croisant les mains derrière son dos. Elle prit un air innocent et minauda un peu. « Vous devriez balayer devant votre porte avant de vous occuper de celle des autres. »
Faire la morale c’était bien mais encore fallait-il être irréprochable pour pouvoir la faire. Le problème de la branche des exterminateurs était qu’elle avait tendance à prendre le melon sous prétexte que son travail en dehors des murs était un peu plus périlleux que celui de l’intérieur. Ce qui entraînait souvent un surplus de confiance en eux et les soldats se permettaient de faire les coqs devant les autres. Et Ran en avait un bel exemple devant elle. Un lieutenant, le roi de la basse-cours, exactement celui qu’elle cherchait à voir. Ni une, ni deux, elle entama les hostilités ce qui eut pour conséquence de se faire toiser de façon ostentatoire de haut en bas. Elle en fit de même comme pour lui tenir tête gestuellement et releva légèrement le menton. « Oui, ne faites pas l’ignorant. » enchaîna-t-elle pour contrer son semblant d’étonnement.
Derrière son dos, ses doigts vinrent caresser son bandage, lui rappelant l’incompétence de ses soldats -pas beaucoup mieux que les deux glandeurs qu’il continuait à recadrer-. La scientifique fronça les sourcils et tapa du pied en signe d’agacement. Claquant des doigts pour regagner l’attention du lieutenant, elle se replaça devant son champ de vision « Eh oh, je vous parle là. » Ce mec avait le même niveau de concentration que ses stagiaires prépubères. « Vous ne me connaissez peut-être pas... » commença-t-elle en farfouillant dans sa poche pour en ressortir le badge de la plus grande entreprise pharmaceutique d’Éden, Babel group et lui agiter sous le nez. « mais vous connaissez sûrement le groupe Babel dont je fais partie. » Généralement, ça suffisait à fermer le claper et rendre docile n'importe quel personne dôtée d'un peu de jugeote. La firme biomédicale avait autant de pouvoir que la militaire, ils étaient donc au même niveau.
« Je ne vais pas me vexer pour votre ignorance mais je suis la responsable d'un des secteurs avec qui votre branche bosse en étroite collaboration. » évoqua-t-elle en le toisant avec insistance histoire qu'il comprenne de quoi elle voulait parler sans avoir à le dire à voix haute. Trop d'oreilles à la ronde, elle ne pouvait se permettre de laisser échapper une information aussi importante que ça. Une des taches des exterminateurs étant de dégoter de nouveaux sujets pour les expériences du laboratoire. Il savait donc forcément à quoi elle faisait allusion. « Bref, j'ai dû effectuer une mission en extérieur sous la protection de VOS hommes et regardez le résultat ! » dévoilant sa main blessée « J'ai dû me battre seule et protéger ma vie parce qu'ils n'étaient pas foutu de faire leur travail correctement. Je ne pense pas que ce soit chose difficile de suivre et protéger une superbe femme telle que moi, ça ne demande pas d'avoir un QI élevé et pourtant ils ont lamentablement échoués. Je serai peut être plus efficace qu'eux sur le terrain.. non c'est certain, je serai plus efficace. Alors plutôt que de courir après des soldats qui ne sont pas sous vos ordres, occupez-vous des vôtres et punissez les à la hauteur du préjudice que j'ai subi, voire même que Babel a subi. » Toujours plus dans l'exagération mais elle était comme ça Ran, quand quelque chose ne lui plaisait pas ou qu'elle souhaitait justice, elle ne faisait pas les choses à moitié. Cet homme devrait lui prouver qu'il méritait son poste et pour cela, aller dans son sens. Sauf si ... « Les soldats sont les miroirs de leur supérieur, ils reflètent l'homme qu'il est... » Sa phrase resta en suspens le temps qu'il assimile où elle voulait en venir, le temps qu'il comprenne qu'elle venait de l'insulter d'être aussi incompétent que ses hommes. Un rictus narquois vint se nicher aux creux de ses lèvres. « On fait moins le malin. »
Ses doléances exposées de long en large, Ran se sentit un peu mieux bien que son interlocuteur avait l'air d'en avoir rien à foutre. Durant son discours, elle avait analysé sa gestuelle sans pour autant s'arrêter. Elle bouillait intérieurement de voir qu'elle était tombé sur un abruti de première qui se fichait que sa branche fasse de la merde et ternisse l'image qu'on en avait d'elle. « Je vous retourne le compliment pour ce qui est du ridicule. » glissa-t-elle entre deux tirades tout en croisant les bras. L'homme continua a déblatérer tout un tas de conneries, se permettant de juger et même de l'insulter. Ses paroles n'étaient pas digne d'un lieutenant de l'armée. Ses doigts pianotaient de plus en plus rapidement sur son coude et ses membres commencèrent à trembler d'énervement. Le rouge aux joues, sa main partit sans son consentement pour aller claquer la tronche de l'homme de façon bien sonore. « Espèce de connard ! Vous avez cru que j'étais une pute ? Vous êtes vraiment lieutenant dans l'armée ? Vous répondez et réagissez comme un ado en manque de réparti à juger sur le physique ou à imaginer ce genre de scénario. Ma façon de m'habillez n'a rien à voir avec ce pour quoi je me plains. » fulmina-t-elle.
Le voilà qui montrait lui aussi être blessé à la main. La scientifique s'en fichait royalement, à l'inverse d'elle, c'était son boulot de prendre des risques. Il avait plus de chance de revenir avec des plaies de l'extérieur, c'était ce qu'on appelait les risques du métier mais il semblait l'ignorer. Elle allait passer outre cette petite démonstration de -ouin-ouin, j'ai plus bobo que toi- mais lorsqu'elle entendit d'où provenait cette blessure, elle ne put s’empêcher de lui rire ouvertement au nez. « Vous voulez que je vous plaigne parce qu'une pauvre gamine vous a mordu la main ? J'aurai honte à votre place, vous êtes pathétique. » dit-elle en faisant mine de cracher. Non mais quel gamin celui-là, il n'y avait aucune comparaison à avoir entre elle qui s'était blessée en se défendant contre cinq pillards et lui qui s'était fait mordiller la couenne par une fugueuse acnéique. « Maintenant, je vous explique parce que j'ai l'impression que vous ne comprenez pas très bien la situation. Je suis une citoyenne d'Eden, employée de Babel Group qui plus est. Vous êtes lieutenant de la branche des Exterminateurs. L'armée reste une unité donc vous ne pouvez pas faire l'Autruche parce qu'il ne s'agit peut-être pas de vos hommes, vous êtes responsable et devez accepter les réclamations qui vous sont faites. Donc, comme vous l'avez fait pour les gardiens, je m'adresse à la personne concernée. C'est à dire VOUS et au lieu de faire profil bas et dire que vous allez enquêter sur ce manquement, vous m'insultez. »
L'asiatique n'était pas du genre à en rester là quand elle se sentait humiliée. Encore animée par la colère, elle ne réfléchit pas à ses actes. Ce n'était plus de la bravoure mais de la bêtise à ce stade, il se comportait comme un enfant donc elle entrait dans son jeu. De sa petite taille, ses mains se posèrent sur les épaules du lieutenant histoire de stabiliser son geste et très rapidement, son genou se cala dans l'entre-jambe du monsieur sans qu'il ait le temps d'esquiver. Ah ! La taille parfaite pour taper là où ça fait mal. « Excusez-vous ! » ordonna-t-elle en lui glissant un regard noir. « Ou je vous castre de toutes les façons possibles. Là, c'était un petit avant-goût. » Physiquement ou de façon hiérarchique. Il ne serait pas bien difficile pour elle de faire remonter l'information, son patron bossait en partenariat avec l'une des élus. Le chef des armées serait très rapidement au courant de ce débordement intempestif. « Enfin... ça ne devrait pas être trop douloureux puisque vous n'avez aucune couilles, lieu-te-nant. » Son regard descendit sur les parties intimes et elle esquissa une grimace, très vite remplacée par un rictus.
Lancer de dés : Le coup de Ran atteint sa cible ? Oui Dégâts : 3/10